Échange avec Cora Texier, plasticienne lithographe

Échange avec Cora Texier, plasticienne lithographe

Graphiste de formation, vous êtes artiste lithographe depuis plusieurs années maintenant. Comment la lithographie est-elle entrée dans votre vie ?

Au départ, je viens d’une école d’art privée sur Paris, que j’ai faite pendant 4 ans. C’était une école plutôt généraliste, ayant une approche manuelle avec beaucoup de dessin. J’ai ensuite fait une formation complémentaire aux Gobelins, en graphisme. Je voulais avoir tous les éléments en main pour pouvoir entrer en agence et en faire mon métier.
Ma pratique de la lithographie s’est faite de diverses rencontres mais aussi d’un stage merveilleux dans l’imprimerie Arte à Paris. J’y ai découvert la litho, la gravure, l’offset... Cet endroit est incroyable. Ensuite de fil en aiguille, et de par mes premiers pas en tant que graphiste où les relations humaines se faisaient de plus en plus rares… le désir de retrouver une approche manuelle dans mon travail et de rencontrer à nouveau du monde s’est ouvert à moi. J’ai découvert les Ateliers de la Ville de Paris à Glacière et en parallèle j’ai rencontré Michèle Rolland, lithographe professionnelle. Michèle a su m’accompagner dans toutes mes réflexions et dans la découverte de la lithographie. Elle est encore très présente dans ma vie, quand j’ai des doutes et des questions sur la technique.
Finalement, le point de départ de tout, ce sont les rencontres, en tout cas c’est ce qui m’a permis de passer de graphiste à lithographe.

Vous utilisez parfois l’infographie dans vos travaux. Quel rapport entretenez-vous avec le monde du graphisme ? Comment arrivez-vous à mélanger ces deux univers ?

J’utilise tout ce qu’il y a en moi, toutes mes ressources pour créer et pouvoir mêler les techniques modernes et les plus anciennes. Je trouve ce processus très intéressant, dans le sens où il n’y a pas de limites. Pouvoir créer des choses hybrides tout en ayant en tête un savoir et une base manuelle qui m’a été transmise par une professionnelle (Michèle Rolland). Je trouve tout ce processus d’autant plus intéressant, car il n’y a pas (plus) d’école qui enseigne la lithographie, en dehors des ateliers, bien sûr. Mais pas de manière professionnelle. Sauf si des écoles ouvrent et enseignent la lithographie, j’ai bien peur que cette technique s’efface au fil du temps.
C’est important pour moi de transmettre ce savoir à une future génération d’artistes.

Justement, vous proposez des stages individuels ou en groupe pour les personnes désireuses de découvrir la technique de la lithographie. C’est une démarche tout aussi essentielle pour vous ?

Ça fait partie de cette idée de transmission en effet, ou en tout cas d’ouvrir les portes à un métier, d’autant plus pour une technique et une écriture spécifique qui se pratiquent sur pierre et sur plaque (les supports que j‘utilise dans mon atelier) et ainsi permettre aux artistes naissant d’entrer dans ce monde-là.

Vous travaillez la lithographie de manière minérale, anatomique voire onirique.
Comment ces univers sont apparus à vous ?

J’ai un rapport à la nature qui est fort. J’aime me promener dehors et sentir les éléments, sentir le vent sur moi, toucher l’eau et la terre. J’ai envie que les gens soient conscients de ce qu’ils ont autour d’eux. J’intègre une part de nature dans mes créations dans ce but.

Quels types de presse utilisez-vous ? Quelle est votre « chouchoute » ?

Dans mon atelier personnel, j’ai une presse à bras lithographique de 1865, une presse Française de marque Voirin. Dans les autres ateliers où je pratique la litho, il y a des presses mécaniques comme la Marinoni ou une contre épreuve Allemande. Mais j’ai une préférence pour la Voirin. Elle a un très bon format avec un plateau de 70x100cm, elle me permet de faire beaucoup…

Vous collaborez avec des artistes sur divers projets : pochettes d’album, livres, affiches, petits objets imprimés, clips vidéo… Quels retours avez-vous d’eux sur vos œuvres réalisées en lithographie ?

Le fait d’allier l’infographie et la lithographie m’amène à collaborer avec de nombreux artistes qui n’auraient pas connu cette technique autrement. L’ouverture est assez large et je peux proposer aux artistes, n’étant pas dessinateur de base, de faire des choses avec eux. J’aime beaucoup travailler la photographie par l’estampe, par exemple.
L’approche est plus originale et l’infographie fait le pont entre ces deux univers.
À chaque fois qu’une collaboration aboutie, c’est toujours l’émerveillement de découvrir le rendu, l’effet magique est présent. Il y a quelque chose d’envoûtant et c’est très agréable d’offrir toute cette palette des possibles grâce à la lithographie.

C’est également un moment d’émerveillement pour vous de découvrir un rendu avec un artiste ?

Complétement. Je rentre dans un univers à chaque fois, et je m’adapte en fonction de l’écriture de chacun. C’est une vraie richesse de pouvoir dialoguer avec toutes ces personnes différentes avec des visions différentes et la manière d’exprimer leur ressentis.
À chaque fois, ce ne sont que des belles rencontres. C’est tellement motivant !

Vous avez utilisé les encres Joop Stoop lithographie dans vos œuvres lors du Salon International du Livre Rare au Grand Palais de Paris de 2020. Quels retours pouvez-vous nous faire sur ces encres ?

La grosse force de Joop Stoop, en plus de leurs encres qui sont très bien et que j’utilise au quotidien dans mes créations, c’est leur choix de papier. Ils ont une grande ouverte sur les papiers et pas forcément que pour les papiers spécifiques pour la lithographie. J’utilise d’autres papiers qui fonctionnent très bien et qui permettent des rendus différents et j’adore ça. Il faut savoir ouvrir le spectre et se nourrir de tout ce qu’il y a à notre disposition.

Un projet ou une collaboration à venir ?

Le programme se remplit bien en ce moment, je dois dire.
J’ai une petite collection de livre, et la prochaine collaboration se fera avec Caroline Bouyer qui est graveuse et professeur à l’école Estienne. J’ai rencontré Caroline à l’école Estienne, où j’ai fait une formation en gravure. Son univers me touche beaucoup, surtout ses derniers travaux qui sont très végétaux, ça me parle forcément.
J’ai également un autre gros projet de livre en lithographie pour l’édition de tête avec un artiste photographe, Stanislas Augris avec lequel j’ai déjà collaboré et un auteur pour le texte. Moi, je serai la réalisatrice de ce beau projet !

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